
PLUS VITE QUE LA MUSIQUE#22
De Frank Ocean à Metronomy, retour sur quelques albums marquants de cet été, et sur deux albums historiques.






BARèME
Sans conteste un des albums les plus attendus de ces dernières années, voire même plus largement de l’histoire de la musique, Blonde de Frank Ocean voyait le jour à la mi-août.
Le chanteur de 29 ans a décidément des moyens bien à lui de faire sa promo. Depuis son premier album Channel Orange il y a quatre ans, il n’a laissé que peu d’indices à ses fans au sujet de la sortie de sa deuxième œuvre studio. La voici enfin.
Le vague silence d’Ocean n’a pas permis de deviner les contours de Blonde avant qu’ils ne soient révélés. Heureusement, les longues attentes se terminent souvent par des minutes de plaisir. Car oui, Blonde est bel et bien ce que les américains appellent une « masterpiece ». Ocean ne fait rien comme personne, et au lieu de suivre la mouvance R’n’B actuelle taillée pour les soirées et les boîtes, il préfère calmer l’ambiance. La production de la plupart des morceaux de son album frôle en effet l’ambient, et cela ne surprend donc pas de retrouver le nom de Brian Eno, précurseur du genre, dans la liste des artistes ayant inspiré Frank Ocean dans la conception de Blonde. Tout semble fait pour que l’écoute s’axe autour de la voix du chanteur californien, qui oscille entre une douceur chatoyante marquée par des effets distordus (Nikes), des harmonies gospel colériques (Pretty Sweet) et comme d’habitude, d’impressionnantes expressions sentimentales en clair-obscur (Seigfried, Ivy). Bye bye les histoires antiques et autres références filmiques du premier album, les paroles d’Ocean sont ici introspectives au possible, la nostalgie et ses expériences personnelles ne se trouvant jamais très loin du cœur de chaque morceau. De réelles ou fictives aventures amoureuses souvent avortées rythment ainsi Self Control, Good Guy, White Ferrari, Ivy, Seigfried ou la courte et très personnelle reprise du Close To You de Stevie Wonder, tandis que la réminiscence juvénile est le moteur du berçant Godspeed. Paraissant souvent à la limite des larmes, Frank Ocean touche nos émotions intérieures en nous faisant rentrer dans son monde, un univers parallèle où le soleil ne fait que de rares et courtes apparitions, et où les traces de l’extérieur ne font que toquer à sa porte (entre autres Kendrick Lamar sur Skyline To, Beyoncé sur Pink + White, André 3000 sur Solo (Reprise)). Des guests qui, hormis l’ex-Outkast, sont au service de la musique soyeuse de l’auteur principal en apparaissant furtivement sans même être crédités directement en tant qu'invités, jeu de mystère et de reconnaissance de voix à la première écoute, qui prend des formes moins abstraites une fois nos oreilles rôdées.
Réunion d’une partie du gratin de la production, du rap et du R’n’B actuel derrière un seul nom, Blonde reste au fond le fruit de l’imagination d’un seul être adulé par ses pairs, sortant de l’ombre par courts instants pour illuminer les charts de son talent indéfectible. Frank Ocean était trop attendu pour pondre autre chose qu’un chef d’œuvre, mais heureusement pour lui, il a fait mieux que ça. P.I.


Frank Ocean - Blonde
The Avalanches sortent un nouvel album. Et ce n'est pas une blague. Le collectif new-yorkais, qui a su si bien mélanger électro, hip-hop et pop, est enfin de retour, 16 ans après leur excellent premier album Since I Left You.
16 ans d'attentes surdimensionnées, 16 ans de questionnements, de non-séparations, de retours en studio puis de silence radio, accompagnés de spéculations intensives à coup de « ils reviennent » et de « en fait pas du tout », pour enfin aboutir à une nouvelle heure de réussite. Oui, Wildflower est très réussi. Peut-être trop similaire à son illustre prédécesseur, le nouvel album des Avalanches reprend parfaitement les recettes de Since I Left You. Entre astucieuse utilisation de samples et invitations de rappeurs appropriées, Wildflower est le succès que tout le monde attendait.
La première chanson, Because I'm Me, rappelle fortement la première piste éponyme de Since I Left You, un rythme enjoué et samplé rétro à souhait. C'est bien un album des Avalanches, l'auditeur est rassuré. Suit le single Frankie Sinatra, répétitif et quelque peu irritant, comme tout droit sorti d'une fanfare, mais ayant une forte tendance à rester dans la tête. Largement pas la meilleure chanson de l'album, mais tout de même un single efficace. Arrive ensuite l'escellent Subways, qui, entre ses choeurs d'enfants et sa ligne de basse très disco, fait office d'hymne house de la fin des années 90. On revivrait presque la French Touch grâce à des Américains. Subways est suivie de Going Home, qui, comme c'était le cas sur Since I Left You, reprend le rythme de la chanson précédente tout en variant le chant ou d'autres facteurs. La chanson prolonge le plaisir house, on prend. If I Was a Folkstar est une vraie réussite, et sent bon un été doux et langoureux, fondé sur un hip-hop aux senteurs disco et un sample de flûtes enjouées. Colours est une expérimentation moyennement réussie, à base de chœurs distordus et de nappes de claviers psychédéliques. Zap! ressemble à de la musique de relaxation sans prétention, et n'est qu'une simple transition parmi d'autres, fréquentes sur l'album. The Noisy Eater est une excellente chanson, mêlant un sample toujours retro, du hip-hop efficace et des chœurs enfantins reprenant les Beatles. La chanson-titre est également, et de façon surprenante, une simple transition. Harmony évolue sur un rythme et une instrumentalisation quasi-onirique, et nous fait changer du tout au tout face à la force d'autres hymnes hip-hop de l'album. Live a Lifetime Love, Park Music et Livin' Underwater ne sont pas très intéressantes, mais restent de sympathiques morceaux, développant finement l'ambiance de l'album. The Wozard Of Iz est certainement la meilleure chanson de l'album, étalant son énergie hip-hop électro avec une terrible sauvagerie fantaisiste. On se réveille après quelques minutes de flottement. La dernière partie de l'album est moins intéressante que le reste, mais les deux dernières pistes rattrapent très bien le coup. Stepkids, avec son rythme plus lent, feint de nous endormir, pour nous laisser sur la dernière chanson, Saturday Night Inside Out. Expérimentale, saccadée et énergique, parfaite conclusion à l'album, cette ultime piste rappelle à notre bon souvenir que les Avalanches sont toujours au top.
Le retour des Avalanches est vraiment très réussi. En une heure de musique, rares sont les occasions de s'ennuyer. L'énergie est toujours au rendez-vous, entre basse house et hip-hop furieux, couplés à de jolies transitions plus douces et conférant à l'album une consistance et une cohérence très maîtrisés. On espère vraiment que le prochain sera avant 2032. T.H.
The Avalanches - Wildflower


La Femme - Mystère
La Femme ressort ses ondes mystérieuses sur son deuxième album, Mystère.
La longue chevelure rousse dissimulant une vulve présente sur la pochette de Mystère préfigurait les longues ondulations rythmiques des 71 minutes de ce nouvel album. Les airs rétro de Psycho Tropical Berlin possédaient la folie digne d’un premier album insufflant un vent nouveau sur les plages musicales des radios françaises. Trois années sont passées, et si les six membres de La Femme n’ont pas radicalement changé leur look, ils ont modifié leur approche de la musique. Sur ce deuxième album, la production part moins dans tous les sens, et la qualité des compositions ouvre la voie à une plus grande diversité mélodique. Des parallèles peuvent évidemment être faits entre les deux œuvres studio du groupe, notamment entre Tatiana et Welcome America, animés par la même folie disco et par de similaires références aux Etats-Unis. Pour le reste, la transe pop élégiaque a laissé part à une electro new wave se voulant plus posée et plus sensuelle, accentuée par des paroles se concentrant ici sur des sentiments post-rupture cachés derrière des images bien placées (Elle ne t’aime pas, Le vide est ton nouveau prénom, Tueur de fleurs) et là sur des critiques mélancoliques plus ou moins voilées de la société (Où va le monde, Septembre). S.S.D, ôde à la vie nocture prenant place à Strasbourg-Saint-Denis, ressemble lui à une invitation à la prise de drogues, menée de voix de maître par Sacha Got.
Les habituels rythmes rapides soutenus par les claviers et des usages sans fioritures de guitare sont une trame de fond guidant un ensemble dans lequel les figures de style et l’humour ne sont jamais loin – Mycose en est l’exemple parfait – mais l’essentiel ne semble pas se trouver là. La Femme ouvre son horizon déjà international à l’Orient sur Al Warda, Psyzook et le très électro Sphynx en invitant Sarah Ben Abdallah - une des nombreuses chanteuses conviées à participer à l'album - sur le premier, et cet aspect donne à l’album un côté expérimental très plaisant, que l’on retrouve sur Vagues, morceau qui se termine par… 9 minutes instrumentales, rien que ça ! Evidemment, l’absence de vrai tube dansant de la trempe de Sur La Planche 2013 ou Antitaxi sera regretté par certains, mais l’histoire de La Femme ne laisse pas la place aux répétitions fortuites : le groupe avance plus vite que le temps, voire même dans son propre espace-temps, vivant dans sa « station interplanétaire » pour échapper aux règles musicales établies. Preuve en est, Exorciseur, où les scratchs de DJ, des paroles rappées et les voix graves à la Daho se mêlent efficacement pour envoûter, pour de bon, notre esprit.
La Femme ne fait plus du neuf avec du vieux, elle remplace ses références pour leur dérober leur place dans nos têtes. Le Mystère n’a jamais été aussi épais, mais il est entre de bonnes mains. P.I.



ZABA, le premier album de Glass Animals, avait donné à l’année 2014 son lot de beurre de cacahuètes et de lenteur exotique. Le style du quatuor d’Oxford n’a en effet rien de commun avec les vibes que notre ouïe a l’habitude de recevoir. Ecoutez Gooey ou Toes, et vous aurez un aperçu des capacités de Glass Animals dans un alliage de bizarrerie et de sensualité s’intégrant parfaitement dans la décennie 2010.
Leur deuxième album, How To Be A Human Being, a été annoncé il y a plusieurs mois déjà pour cette fin août. La découverte commence dès la pochette, qui, pour une fois, tient une importance vis-à-vis des morceaux de l’album : onze personnes s’y trouvent, aussi diverses que l’on pourrait croire à une affiche de sitcom de série Z. Le fait est que chacun des onze morceaux du disque traite d’un de ces personnages déjantés composant sa couverture, certes de manière plus ou moins explicite, mais tout de même. Promesses originales pour le son en lui-même. Life Itself, en ouverture, permet de retrouver l’univers des Glass Animals en un quart de seconde à peine, les percussions tribaux marquant le coup dans une multitude de sons dont certains sont difficiles à identifier, laissant la place à un refrain rappelant Imagine Dragons. Le trio d’introduction (les trois singles) possède déjà sa place dans le futur best-of du groupe : outre Life Itself, Youth et Season 2, Episode 3 sont des modèles d’inventivité musicale. La première est une ballade caractéristique du groupe, et la seconde fait écho aux pixels de la pochette avec ses sursauts analogiques en introduction et son allure de berceuse accélérée. Pork Soda donne ensuite l’occasion à Dave Bayley de ressortir une de ses petites folies d’écriture, avec la répétition de la ligne « pineapples are in my head » dans chacun des refrains du morceau. Logique pour un groupe dont l’objet fétiche lors de sa dernière tournée était… un ananas. Musicalement parlant, le titre suivant Mama’s Gun est plus intéressant, avec son sample langoureux de Mr Güder des Carpenters et la douce voix de Bayley insistant sur les syllabes des couplets avant d’évoquer le silence sur des refrains de plus en plus puissants, comme un paradoxe.
La seconde moitié de l’album regorge de plusieurs pépites : si Cane Shuga innove mais se répète un peu trop et que [Premade Sandwiches] n’est qu’une simple transition vocale, les quatre dernières chansons se combattent pour se disputer le titre de meilleur morceau du disque. Difficile de choisir, tant chacune d’entre elles possède ses propres spécificités. Take A Slice est de loin le titre le plus sexy de l’album, traitant de la luxure sur un beat lourd accompagné par de légères touches de piano et un refrain où la gravité des voix se mêle en un tourbillon contrôlé. The Other Side Of Paradise est dominé par un beat recherché limite tribal, contrastant avec la multitude de sons numériques du refrain et la lente montée de claviers faisant office de pont. L’ensemble se calme pour la conclusion : le riff de Poplar St. évoque celui du mythique Under The Bridge des Red Hot Chili Peppers, mais le sujet est ici un vieil amour et non une vieille addiction. Enfin, Agnes nous emmène derrière ses accords de clavier minimalistes et les hautes poussées de voix de Bayley dans une envolée pop peu habituelle chez Glass Animals, qui peuvent décidément tout mixer sans réaliser de réelle fausse note.
Faut-il plus de sensualité vocale ou plus de pop ? Glass Animals a coupé la poire en deux pour, au final, nous offrir un album qui va plus loin que son prédécesseur au niveau de l'écriture, mais perd un peu de son charme poétique dans l'affaire. P.I.
Glass Animals - How To Be A Human Being

Metronomy - Summer 08
Metronomy a pris l'habitude de ne plus vraiment surprendre. Metronomy, c'est ce groupe qu'on écoute dans les soirées d'été branchées, un peu trop parfois, jusqu'à en devenir un peu trop prétentieusement à la mode. Metronomy a séduit tout le monde avec The English Riviera en 2011, mêlant une pop sucrée et langoureuse à des basses subtiles et dansantes ; un album délicieusement mélancolique. Puis le groupe de Joseph Mount, seul réel capitaine à bord, avait sorti le moins réussi Love Letters, qui, tout en recelant de quelques pépites, ne parvenait pas à rattraper de nombreuses paresses d'écritures. Car le principal problème de Metronomy, c'est de brouiller les pistes entre retenue musicale et manque d'inspiration. Avec Summer 08, Metronomy ne se réinvente pas. Loin d'être un défaut, on a tout de même l'impression d'écouter un mix de tous les albums précédents, sans parvenir à capturer leurs essences propres ou à s'en créer une à lui. Oui, Joseph Mount est triste. Non, Joseph Mount ne parvient pas à profiter véritablement de sa célébrité grandissante, étouffante, héritée de ce maudit été 2008. Et il nous le fait comprendre à travers des rythmes empreints d'une tristesse palpable à chaque seconde de l'album. Pourtant, le bougre avait bien tenté de brouiller les pistes avec la première chanson, Back Together, qui rappelle dans les premières minutes le bouillant premier album du groupe ou l'excellent Nights Out de 2008 justement. Il a bien failli nous avoir avec son intro quelque peu dissonante, mais le tout s'achève dans une parade disco assez nouvelle pour le groupe. Une bonne introduction, on est alors impatient d'écouter la suite. Miami Logic n'a pas grand chose à offrir, à part de nouvelles expérimentations du nouveau clavier de Joseph Mount. Old Skool séduit plus que la piste précédente, à l'aide d'un beat très bien ficelé, un chant supportant joliment l'instrumental, et un caractère triste et dansant si inhérent à Metronomy. Le premier single de l'album est une réussite, mais on reste toujours un peu sur notre faim. 16 Beat fait repartir Metronomy dans le disco redevenu si à la mode. Portée par une formidable basse et une finesse dans le chant, la chanson reste malgré tout, comme tous les morceaux de l'album, assez plate. Pas grand chose à dire sur Hang Me Out To Dry et Mick Slow, deux ballades désabusées et agréables sans être particulièrement à retenir.
On arrive alors à la partie la plus intéressante de l'album, l'enchaînement des probables deux meilleurs morceaux. Tout d'abord My House, qui, loin de la joie de Madness, offre une mélancolie soutenue d'une très belle ligne de basse. C'est la chanson typique du Metronomy qui fait danser, tout en ne cachant pas ses relents dépressifs. Joseph Mount renoue avec l'inspiration qu'il avait en cet été 2008, entre rythmes saccadés et chants langoureux. Puis vient la meilleure chanson de l'album, Night Owl, qui offre un rythme mixé de guitares et de basse très réussi, après une introduction magnifique toute en douceur. Metronomy capture ici toute l'essence de sa musique, rappelant qu'après les compositions simplissimes, voire simplistes, qui complètent son répertoire, le groupe est toujours capable de sortir le vrai son qui mettra tout le monde d'accord. Les deux dernières pistes n'offrent rien de vraiment original ni de très engageant, mais elles concluent très bien un album désenchanté du début à la fin. Ne rien attendre d'un album de Metronomy, c'est oublier tout ce qu'a pu produire Joseph Mount en 10 ans de machinations sur son clavier, c'est omettre la capacité du groupe à faire danser tout le monde sur une musique désabusée. Mais en attendre beaucoup d'un album de Metronomy, c'est se préparer à se heurter à du passé plus ou moins recyclé, et avec plus ou moins de succès. Summer 08, c'est ce qu'annonçait déjà Love Letters en 2014, des albums assez similaires, sans renouvellement, sans véritable folie, accrochant l'auditeur à l'espoir que tout va d'un coup démarrer dans un éclat de génie. Il faut bien comprendre que le spleen de Mount dirige de bout en bout Summer 08, soulignant chaque mélodie de sa finesse mélancolique, à la fois sa force et sa faiblesse. Un album agréable, voilà tout. T.H.


ANNIVERSAIRES
The Beatles - Revolver

50 ans
L'avantage avec un groupe comme les Beatles, au-delà de leur capacité à refonder totalement la musique, c'est que chacun de leurs albums est une nouvelle expérience, si spéciale. Plus qu'une remise en question personnelle, le quatre garçons dans le vent transforment profondément leur environnement musical, posant de nouvelles bases et dictant leurs paramètres de création. Dans la longue série des aventures des Liverpuldiens, après avoir séduit mademoiselle, après avoir fait danser madame et monsieur, après avoir fumé des trucs pas nets pour pondre un premier chef-d’œuvre, les voilà prêts à absorber diverses substances colorées pour réinventer le rock. Ce qu'on appelle le rock psychédélique, dérivé de cette prise de produits divers, est né au milieu des années 1960, et s'impose alors rapidement comme le nouveau style en vogue. Les très réactifs et créatifs Beatles, pris de court par les Beach Boys et leurs Pet Sounds, répliquent alors très fort avec l'innovant Revolver le 5 août 1966. En mixant les nouvelles techniques de production du groupe de Brian Wilson avec la nouvelle musique à la mode de la côte ouest américaine, tout en saupoudrant le tout d'une dose de fantaisie britannique qui leur est propre, les Beatles créent, sans forcément s'en rendre compte, le premier vrai album de rock psychédélique. Côté chansons, le groupe donne de l'énergie partout où il peut. Taxman reste la chanson rock que tout le monde attendait, I'm Only Sleeping montre les nouvelles inspirations de Lennon soufflées par le LSD, Yellow Submarine témoigne d'une auto-dérision toute British. McCartney reprend ses droits de mélodiste hors pair avec Here, There and Everywhere ou le délicieux For No One. Harrison part de plus en plus loin en direction du sous-continent indien, avec l'inhabituel Love You To. Mais l'album ne serait pas le chef-d’œuvre que l'on connaît s'il ne contenait pas son lot de pièces maîtresses, ces chansons qui font passer un album de formidable à redéfinissant l'entièreté d'un genre musical. Eleanor Rigby, délire de McCartney et incontestable perle intemporelle du quatuor, est sans aucun doute la meilleure chanson de l'album, unissant chant délicat et violons pris entre douceur et brutalité. A l'opposé de ces mélodies parfaites se trouve l'unique Tomorrow Never Knows, fruit des vacations de Lennon dans le domaine de l'insondable.
Les Beatles se reposaient sur leurs acquis ? Voilà l'ultime preuve que ce sont les maîtres des années 60. Et en réalité non, pas ultime, puisque, avec le recul, Revolver est une magnifique répétition pour la suite de la carrière des Fab Four. T.H.
Ratatat - Classics
10 ans

Le rock instrumental n'a, depuis les années 1990, jamais rencontré les véritables faveurs, ni du public ni des critiques, à l'exception faite du post-rock. Oui, si vous voulez écoutez du rock instrumental des années 90, il faudra se tourner vers de longues plages lancinantes d'instrumentations désabusées, héritées d'un Mark Hollis sous Prozac. Le duo américain Ratatat a décidé, en 2004, de donner un grand coup de pied dans la fourmilière. Fini le pop-rock agrémenté d'une évidente et parfois dispensable voix plus que banale, Evan Mast et Mike Stroud font le ménage. Les deux musiciens ont décidé de ne rien mettre de superflu dans leur musique, juste ce qu'il faut de guitares, de beats et d'effets électro. Si leur premier album est une réussite, le deuxième est, comme son nom l'indique, un classique immédiat. Le 22 août 2006, le duo sort Classics, petite bombe électro-rock apportant son lot de géniales mélodies. Classics, c'est typiquement l'album simple à écouter l'oreille distante et le cerveau détendu. Classics contient tous les ingrédients nécessaires pour en faire une réussite : des mélodies accrocheuses (Gettysburg), des folies passagères (Wildcat), des lignes de basses aériennes (Nostrand)... bref, tout ce qu'il faut pour faire un excellent album. Son ambiance chaude et envolée ne laisse personne sur le bas-côté de l'écoute, tout en renouvelant très bien le son pop-rock un peu usé des années 2000. Merci Ratatat. T.H.